Le 24 avril 2023, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) a ouvert une enquête afin de déterminer si certains mâts d’éoliennes de Chine sont vendus à des prix inéquitables au Canada et si ces marchandises sont subventionnées, en contravention des lois canadiennes et des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’année 2022 a, en effet, été une année record pour la vente d’éoliennes au pays alors que le Canada a recensé plus de 785M$ d’importations de mâts et de tours d’éoliennes, et de composants y étant rattachés, dont plus de 594 M$ en provenance de Chine.
Partie plaignante – Producteurs nationaux
Cette enquête fait suite à une plainte déposée par Marmen Inc. et Marmen Énergie Inc. (“Marmen”), concernant des importations de Chine présumément dommageables pour l’industrie canadienne. Les marchandises en cause sont importées au Canada comme étant des mâts d’éoliennes d’une hauteur de 50 mètres et plus et ayant une capacité nominale minimale de production d’énergie électrique de plus de 100 kilowatts (kW).
Quel est l’objectif recherché par une telle procédure?
À l’issue de cette enquête, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) pourrait conclure que les éléments de preuve indiquent ou non que le dumping et le subventionnement de ces marchandises ont causé un dommage ou menacent de causer un dommage à l’industrie canadienne. Une telle décision du TCCE pourrait entraîner l’imposition de droits anti-dumping (AD) et anti-subventionnement (CVD) totalisant la somme de la marge de dumping et du montant de subvention estimés pour chaque exportateur. Ces droits pourraient être imposés sur chaque importation de mâts d’éoliennes en provenance de Chine, à partir du 20 juillet 2023, et ce pour une période d’au moins cinq ans.
Y’a-t-il eu un dommage sensible à l’industrie canadienne?
Préalablement à l’imposition de droits anti-dumping (AD), le Tribunal doit notamment évaluer si un dommage sensible à la branche de production nationale a été causé principalement en raison de la sous-cotation des mâts d’éoliennes en provenance de Chine, en ce sens que les producteurs canadiens auraient effectivement perdu des ventes au profit des fabricants chinois en raison des prix. Des ventes au Canada doivent notamment avoir été perdues (tant dans les situations de concurrence directe que dans les cas où la branche de production nationale n’a pas soumissionné) au profit des importations de mâts d’éoliennes provenant de la Chine (et non des autres pays).
Par exemple, dans le cas où l’industrie canadienne avait été en mesure de remporter certains appels d’offres, le TCCE évaluera si la branche de production nationale aurait effectivement observé une amélioration importante de sa production, de ses ventes et de sa capacité. Le Tribunal doit en outre, examiner si des facteurs autres que le dumping ou le subventionnement ont causé un dommage sensible ou menacent de causer un tel dommage. On pense par exemple à la capacité effective de production de Marmen pour répondre aux différentes commandes, à la survenance de facteurs externes comme la pandémie de COVID-19 ou à d’autres raisons comme l’ordonnance du United States International Trade Commission (USITC) visant les exportations de Marmen aux États-Unis depuis 2020 (applicable jusqu’en 2025).
Les promoteurs de parc éoliens ainsi que les fournisseurs et distributeurs de tours d’éoliennes sont interpellés
Les promoteurs, entrepreneurs de parc éoliens ainsi que les fournisseurs de mâts d’éoliennes au Canada pourraient être intéressés à faire valoir leurs positions en ce qui concerne le marché canadien et les importations en provenance de Chine. Les différentes parties prenantes sont invitées à faire valoir leurs intérêts et leurs droits d’ici à ce que le Tribunal rendre une décision sur l’imposition ou non de droits anti-dumping et/ou anti-subventionnement sur les mâts d’éoliens de Chine. Alors que depuis trois ans, environ 58% des importations canadiennes de mâts d’éoliennes proviennent de Chine, l’imposition de droits anti-dumping (AD) et anti-subventionnement (CVD) pourrait limiter la capacité des fournisseurs à livrer une concurrence en matière de ventes, impacter les prix de tours d’éoliennes soumissionnées et affecter les délais de livraison de certains projets au Canada.
Quels critères seront pris en compte par le Tribunal?
La question de savoir si des importations de tours d’éoliennes en provenance de Chine pourraient entraîner ou avoir eu des effets dommageables sur les activités de l’industrie canadienne sera déterminante pour la poursuite de l’enquête du Tribunal. Sur la base des renseignements fournis par les parties prenantes, le Tribunal tiendra compte de divers facteurs, dont les caractéristiques physiques des marchandises, et leurs caractéristiques de marché, comme la substituabilité, les prix, les circuits de distribution, les utilisations finales, si les marchandises répondent aux mêmes besoins des clients au Canada, ainsi que de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur cette situation.
Contexte du marché canadien
Dans le contexte de la poursuite des objectifs énergétiques au Québec et au Canada, les nombreuses soumissions de projets de parcs éoliens au pays montrent que les importations d’éoliennes continueront d’être en forte hausse dans les prochaines années. Par exemple, au Québec, une série de projets de développement de parc éoliens verront le jour d’ici 2026[1] pour une capacité combinée de plus de 840 mégawatts. Par ailleurs, Hydro-Québec qui agit à titre de soumissionnaire pour différents projets a récemment réitéré l’engagement de livrer 160 mégawatts additionnels, d’ici décembre 2026.
Quels seraient les conséquences sur le marché canadien?
L’imposition de droits AD visant les éoliennes chinoises doit notamment avoir pour effet de préserver la capacité de la branche de production nationale à maintenir ou à accroître ses activités ainsi que ses niveaux de dotation. Inversement, l’application de droits AD/CVD pourrait rendre difficile, voire impossible, pour certains fournisseurs au Canada de continuer à importer et à distribuer des mâts d’éoliennes en provenance de Chine, et ce malgré la demande grandissante des promoteurs et développeurs des projets d’éoliennes. Le prix de l’achat des mâts d’éoliennes pourrait conséquemment être révisé dans les années à venir et même avoir une incidence directe sur la rentabilité ou la soumission de certains projets qui ont ou n’ont pas encore été annoncés.
Vous avez des questions, que faire?
Si vous-mêmes, votre association ou votre entreprise avez des questions en matière de recours commercial, de procédures anti-dumping et/ou anti-subventionnement, ou concernant les enquêtes sur les mâts d’éoliennes, n’hésitez pas à communiquer avec l’équipe de DS Avocats.
Les parties intéressées à faire valoir leurs vues doivent déposer un avis de participation devant le TCCE au plus tard le 4 mai 2023. Notons que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) transmet présentement des questionnaires aux importateurs canadiens dont les réponses devront être reçues au plus tard le 12 mai 2023.
[1] Parc éolien de la Haute-Chaudière; Parc éolien de la Madawaska; Parc éolien Mesgi’g Ugju’s’n (MU2); Parc éolien Pohénégamook-Picard-St-Antonin.