Le 25 juillet dernier, le cabinet DS Avocats Canada s’est illustré dans une victoire devant la Cour d’appel fédérale dans un litige opposant sa cliente Erdemir à l’entreprise Algoma Steel Inc. Au cœur du litige se trouvait une décision rendue par l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») dans le cadre d’une enquête « antidumping »[1] par laquelle l’agence confirmait que les ventes d’Erdemir au Canada ne faisaient pas l’objet de dumping, ce que contestait notre cliente.
Une enquête antidumping de longue haleine
En effet, le 22 janvier 2021, Erdemir avait alors démontré que les tôles fortes originaires ou exportées de Turquie n’avaient pas fait l’objet d’un dumping, c’est-à-dire que la comparaison de la valeur normale avec le prix à l’exportation des tôles fortes originaires de Turquie donnait effectivement pour la compagnie une marge de dumping nulle (0 %).
Au cours de l’enquête antidumping, Algoma Steel avait soutenu qu’il existait une situation particulière sur le marché des tôles fortes en Turquie qui ne permettait pas une comparaison correcte des données d’Erdemir pour ses ventes et ses coûts de production. À la suite de son enquête, l’ASFC n’a pas conclu qu’une « situation particulière de marché » prévalait en Turquie et avait ainsi utilisé les données propres à Erdemir pour conclure qu’il y avait une absence de dumping.
Insatisfaite de cette décision, Algoma avait alors procédé au dépôt d’une demande en révision judiciaire. L’entreprise Algoma Steel Inc. avait fait valoir à ce moment-là que les notes de service et les calculs internes de l’ASFC avaient constitué la base de la décision préliminaire de l’ASFC et que le refus de les fournir constituait une violation de l’équité procédurale.
Au bout du compte, dans sa décision, la Cour d’appel fédérale rejette la position d’Algoma Steel Inc. et donne raison aux arguments soulevés par le Procureur général du Canada ainsi que par Erdemir, indiquant qu’il ne peut y avoir de violation d’équité procédurale étant donné que le président de l’ASFC ne s’est pas appuyé sur les notes de service pour motiver sa décision. Ce qui est présenté au décideur administratif est un rapport administratif résumant les conclusions factuelles et générales. La Cour souligne toutefois que si les calculs explicites relatifs à la méthodologie utilisée pour enquêter et parvenir à une conclusion avaient été fournis au Président de l’ASFC, ils devraient devenir accessibles aux requérants.
Notons que dans le cadre d’enquête antidumping, le régime juridique encadrant les enquêtes de l’ASFC prévoit un seuil d’équité procédurale parmi les plus bas au Canada, en établissant des règles de procédures expéditives, sans prévoir de dispositions spécifiques en matière de suspension, de requête ou de droit d’appel. La Loi sur les mesures spéciales d’importation oblige l’ASFC à rendre une décision sans appel de dumping dans les six mois suivant l’ouverture d’une enquête, et ce, en accomplissant simultanément une série de vérifications auprès de plusieurs entreprises réparties aux quatre coins du globe.
La Cour d’appel fédérale maintient, en outre, la position du gouvernement fédéral selon laquelle le degré de justification, d’intelligibilité et de transparence est raisonnable pour ce type de procédure et qu’un changement autrement entraînerait des retards et nuirait à l’efficacité des enquêtes de l’ASFC au niveau national, ce qui serait contraire à l’objectif de la loi.
Ce que l’on doit retenir
La Cour d’appel fédérale réitère que bien que l’ASFC mène ses enquêtes de manière transparente, elle n’est pas tenue de fournir aux parties ses calculs internes, compte tenu du volume d’information considérable et de la complexité des calculs générés pour chaque exportateur.
La Cour maintient que la divulgation des méthodes de calculs de l’ASFC vise uniquement à vérifier l’exactitude des faits et à corriger toute erreur relative aux données de l’exportateur, et non à permettre aux autres parties examiner comment l’ASFC a manipulé les informations reçues ou comment elle en a déduit la valeur normale.
Si vous-mêmes, votre association ou votre entreprise avez des questions en matière de recours commercial, de procédures antidumping ou antisubventionnement, ou concernant un litige avec l’ASFC, n’hésitez pas à communiquer avec Vincent Routhier.
[1] Rappelons que le « dumping » – sanctionné en droit commercial international – correspond à l’écart entre la valeur normale pondérée de chaque marchandise et leur prix à l’exportation, exprimé en pourcentage. Toutes les marchandises en cause expédiées au cours d’une période d’enquête antidumping sont incluses dans le calcul mené par les autorités administratives. Lorsque la valeur normale totale de chaque marchandise est inférieure au prix à l’exportation des marchandises, il y a dumping.