Cette année, le retour des fêtes de bureau de fin d’année sous leur forme prépandémie sera très certainement la norme, au grand bonheur de bon nombre d’employés. Les employeurs doivent néanmoins demeurer soucieux du déroulement positif et sécuritaire de ces événements.
Voici un rappel de trois axes devant être au cœur des préoccupations de l’employeur dans l’organisation et le déroulement de ces fêtes : le harcèlement et les comportements déplacés, la consommation d’alcool et de cannabis, ainsi que les accidents du travail.
1. Harcèlement et comportements déplacés
L’ambiance festive des fêtes de bureau, généralement définie par la musique, la présence d’alcool et les jeux, peut parfois susciter des comportements inappropriés. Même si la plupart de ces célébrations se déroulent dans un contexte social en dehors de l’établissement habituel et des heures standards de travail, il est dorénavant bien acquis que l’employeur a l’obligation d’y maintenir un climat de travail exempt de harcèlement psychologique et sexuel. En mai 2022, un arbitre a d’ailleurs conclu que l’employeur était justifié de mener une enquête sur le harcèlement sexuel quant à des événements de nature privée survenus dans un hôtel après la fête de fin d’année organisée par l’employeur. Cette justification reposait sur le fait qu’il existait un lien de rattachement entre l’incident et la vie de l’entreprise, et que le tout a eu un impact considérable sur le climat de travail par la suite.
Les employeurs doivent alors prendre des mesures préventives pour éviter tout incident de comportement déplacé ou de harcèlement lors de ces fêtes. À cette fin, il est fortement recommandé de sensibiliser les employés aux politiques internes obligatoires en matière de harcèlement et de comportement professionnel. Plus concrètement, cela peut se faire par l’envoi d’un rappel écrit à tous les employés, quelques jours avant la fête. Ce courriel pourrait mettre l’accent sur la priorité accordée à la sécurité, rappellerait les normes de comportement attendues et ferait explicitement référence à la politique interne concernant ces questions. En d’autres termes, les employés doivent comprendre que la fête ne constitue que l’extension du travail, et que les mêmes exigences s’imposent à l’égard des comportements.
2. La consommation d’alcool et de cannabis
Bien qu’il ne soit pas interdit d’offrir des boissons alcoolisées à ses employés lors de la fête de fin d’année du bureau, la consommation d’alcool et/ou de cannabis est sans doute un catalyseur de plusieurs écarts de conduite, particulièrement lors d’une soirée de fête.
En vertu de son obligation générale de veiller à la santé et à la sécurité de ses employés pendant les activités qu’il organise, l’employeur devrait prendre des mesures pour limiter la consommation d’alcool durant la soirée et, ainsi, réduire les risques d’incidents. Plus concrètement, l’employeur pourrait cesser le service de boissons alcoolisées après une certaine heure (sans faire d’annonce de « dernier appel » avant la fermeture du bar), servir de la nourriture et de l’eau durant les heures de service d’alcool, restreindre le nombre de boissons autorisées par personne en instaurant un système de coupons et/ou mettre à la disposition des employés un service de raccompagnement (bons de taxi, coupons Uber,autobus payé par la compagnie, etc.). Il est également une bonne pratique de désigner certains représentants de l’employeur qui ne consommeront pas et verront au bon déroulement des événements.
En ce qui concerne le cannabis, la Loi encadrant le cannabis (la « Loi ») est particulièrement restrictive en matière de consommation sur les lieux de travail. Elle interdit à toute personne de fumer du cannabis dans les milieux de travail, à l’exception de ceux se trouvant dans une résidence privée. Cette même Loi prévoit également qu’un employeur, en vertu de son droit de gérance, peut encadrer ou interdire toute forme d’usage du cannabis par les membres de son personnel. De plus, en vertu de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme, il est interdit de fumer dans un rayon de neuf mètres de toute porte, prise d’air ou fenêtre qui peut s’ouvrir sur un milieu de travail. Ainsi, si la célébration prend place sur les lieux de travail, il sera interdit d’y fumer du cannabis. Par ailleurs, si la fête se déroule à l’extérieur de l’établissement habituel de travail, en sus des restrictions légales couvrant certains endroits spécifiques, l’employeur pourrait définir le terme « lieu de travail » dans sa propre politique sur la consommation de drogues et d’alcool afin d’englober les activités sociales de travail organisées à l’extérieur de ses locaux.
Dans tous les cas, l’employeur devra communiquer ses attentes aux employés avant la fête et clairement prévoir des mesures en cas de violation de ses directives et politiques.
3. Accidents du travail
Un accident qui se produit à l’occasion de la fête de fin d’année pourrait, selon les circonstances, se qualifier à titre d’accident du travail au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. L’article 2 de cette Loi définit l’accident du travail comme étant « un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle » (notre emphase). Le législateur ne définissant pas l’expression « à l’occasion de son travail », les tribunaux doivent se référer à l’interprétation de la jurisprudence. Pour décider si un accident se qualifie comme étant un accident de travail au sens de la Loi, les tribunaux soupèsent plusieurs critères, notamment :
- le lieu et le moment de l’événement ;
- la rémunération de l’activité qui est exercée par l’employé au moment de l’accident ;
- l’existence et le degré d’autorité ou de subordination de l’employeur lorsque l’accident ne survient ni sur les lieux du travail ni durant les heures de travail ;
- la finalité de l’activité qui est exercée au moment de l’accident ; et
- la connexité de l’activité qui est exercée par l’employé en regard de l’accomplissement de son travail.
Aucun de ces critères n’est décisif en lui-même et il n’est pas nécessaire qu’ils soient tous remplis. Ils ne servent qu’à guider les tribunaux et il faut tenir compte des circonstances particulières de chaque affaire. En cas de blessure d’un employé lors de la fête du bureau, il est une bonne pratique de documenter la situation autant que possible, comme à l’occasion d’un accident du travail. L’employeur pourra ainsi, au besoin, avoir un portrait global de la situation afin de faire valoir ses droits en cas de réclamation.
En conclusion, le retour des fêtes de bureau après la pandémie constitue une opportunité de célébrer et de reconnaître les efforts des employés. L’encadrement par l’employeur de cet événement ne se limite cependant pas à celui au cours de l’événement ; des mesures et rappels devraient être mis en place avant celui-ci. Ce sont l’ensemble de ces mesures et précautions qui, dans bien des cas, permettront de faire de la fête un moment agréable et mémorable pour tous!